Chanson de Craonne (La)


(Chanson contestataire, chantée par des soldats français durant la Première Guerre mondiale, entre 1915 et 1917. Interdite par le commandement militaire, qui la censure en raison de ses paroles antimilitaristes, défaitistes et subversives incitant à la mutinerie !)
Quand au bout d’huit jours, le r’pos terminé,
On va r’joindre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c’est bien fini, on en a assez,
Personn’ ne veut plus marcher,
Et le coeur bien gros, comm’ dans un sanglot
On dit adieu aux civ’lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s’en va là-haut en baissant la tête.

Refrain :
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes.
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’il faut laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés !


Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r’lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu’un qui s’avance,
C’est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs viennent chercher leurs tombes.

Refrain

C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous, c’est pas la mêm’ chose.
Au lieu d’se cacher, tous ces embusqués,
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien,
Nous autres, pauvr’s purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là.

Refrain final :
Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront,
Et c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votr’ tour, messieurs les gros,
De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez faire la guerre,
Payez-la de votr’ peau !